L’acteur créateur
n créateur, disons par exemple un écrivain, va chercher en lui, au fond de lui, des histoires, des souvenirs, des sensations, des secrets, des douleurs, des ridicules, des impudeurs, des délicatesses, et tout cela, il le jette sur la page. Et que fait d’autre l’acteur, le véritable acteur ? Il se jette sur le plateau, lui, être humain chaotique, mystérieux, unique, il se met en forme, pour en faire du théâtre. L’auteur met en mots, l’acteur met en voix, en corps, sueurs, larmes, vibrations physiologiques. C’est aussi précis qu’écrire, aussi inventif. Je fais les deux, et je le sais, que c’est pareil.
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Cela semble du paradoxe, c’en est un peu, mais c’est pour mettre en lumière ce retrait dans lequel on confine l’acteur, dans lequel il se confine lui-même le plus souvent. De lui on dit qu’il n’est pas créateur. Et moi je prétends et je cherche l’inverse, chez un acteur.
L’acteur n’est pas créateur au sens où il prendrait en main la dramaturgie du spectacle, ou le jeu de ses partenaires, ou les choix de scénographie, non, non, ça c’est un casse pied qui parle pour ne pas avoir à jouer ; l’acteur est créateur de lui-même, de ce lui-même dont le spectacle a besoin.
Mais tout ça, il faut que l’acteur le veuille. Il faut qu’il sache qu’il est un sujet ressentant, pensant, choisissant. Qu’il sache qu’il n’arrive pas « à vide » à une répétition, qu’il y arrive, en alerte déjà, du texte et de lui-même avec, ayant su aviver en lui la zone imaginaire, physique, musicale, impulsive, que sais-je, qu’il pense être la bonne entre lui et le texte. Evidemment, cette idée qu’il a derrière la tête, elle est faite pour être remise en question, par le plateau, par le travail des répétitions. Mais sans elle, rien ne peut se faire de vraiment rare entre un acteur et un metteur en scène. C’est mon avis, c’est ma façon de travailler, depuis toujours, c’est le sujet de ce stage. Chercher à pratiquer ça, cette position éthique de l’acteur.
Jean-Michel Rabeux
Les précédents stages
« L’ACTEUR CRÉATEUR N°23 » Corps et âmes
Stage dirigé par Jean-Michel Rabeux
Du 8 au 26 novembre 2021 / Le LoKal (Saint-Denis)
Stage annulé
CORPS ET ÂMES
Tout théâtre exige le corps. On peut, au théâtre, se passer de tout sauf du corps des acteurs. Il est l’unique instrument à faire voir et entendre tout ce que notre culture reconnait comme premier dans un être humain, c’est à dire évidemment son âme. C’est le paradoxe, notre culture mésestime le corps et ses divers états, mais c’est lui pourtant que le théâtre est bien forcé d’utiliser pour montrer la grandeur ou l’horreur de nos âmes. Le théâtre c’est là où l’âme se voit, et ce qu’on voit pour la voir, c’est le corps des acteurs.
On se moque de moi parce que j’utilise souvent les corps nus, mais c’est pour aller y chercher l’âme qui s’y cache, ses failles et autres défaillances, pour y voir notre mort en marche dissimulée juste là, sous la peau, le squelette sous la douce tiédeur des chairs, ce qui nous fragilise. Moi j’aime l’homme qui considère sa mort parce que celui-là est fragile. Moi j’aime les fragiles.
La nudité ne sera pas du tout demandée pendant ce stage, rassurez-vous, elle n’y sera pas interdite, rassurez-vous, mais il sera très demandé que l’interprétation des divers textes choisis traverse les corps de part en part, qu’elle les exploite, les magnifie et les désastre. Trembler d’amour, transpirer de timidité, haleter de bonheur, soupirer, nouer, dénouer ses mains, bloquer toute respiration, cesser le cœur de battre, glacer le bout des doigts, faire disparaître son corps en entier, le gommer, le rayer des vivants pour que d’un souffle il lâche un mot inoubliable, rendu inoubliable par ce souffle. Voilà les excès qu’il faut savoir pratiquer couramment quand on veut que du théâtre se passe. C’est par là qu’on va aller chercher.
Tout texte sera bienvenu, s’il propose un possible espace au corps, de grotesque ou de retenue, de brutalité ou de délicatesse, s’il excède l’humain comme le divin, le réel comme le rêvé. Quant à moi, les textes, ça se balade de Copi à Feydeau, de Claudine Galea à Eschyle, de Jean-René Lemoine à Heiner Muller, de Sarah Kane à Jean Racine, de Perrault à Pommerat. C’est comme on veut, qui on veut, juste un peu de génie qui traîne par ci par là. A vous de suggérer, proposer d’autres textes, d’autres auteurs.
Le principal c’est que quelque chose de votre corps d’actrice ou d’acteur nous offre une part de votre âme, ou bien l’inverse : que quelque chose de vos âmes nous offre la profondeur de vos corps. Bref, que le travail de vos corps imaginaires ou réels, permette qu’une part de vous ait compris un peu plus comment venir vers nous, les spectateurs, nous frôler, nous marquer à jamais, nous, esbaudis par vos singulières beautés.
Bibliographie
On purge bébé, de Feydeau, L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer, de Copi, Au bord, de Claudine Galea, Médée poème enragé, de Jean-René Lemoine, Le sang des Atrides (mon adaptation de l’Orestie d’Eschyle), La réunification des deux Corées, de Joël Pommerat, Manque de Sarah Kane. Hamlet Machine de Heiner Muller. Etc, etc.
Jean-Michel Rabeux
Informations pratiques
• Du 8 au 26 novembre 2021 (jours off: à venir)
• Horaires en cours
• 105 heures de formation
• 15 stagiaires au maximum
• Lieu de formation: le LoKal à Saint-Denis
Inscriptions ouvertes jusqu'au vendredi 1er octobre 2021 inclus
Modalités d’inscriptions
Coût: 1 800 euros / Possibilité de prise en charge par les organismes de financement de la formation (Afdas, Pôle emploi, Audiens...)
Pour plus d'informations, vous pouvez contacter les organismes de financement de la formation, ou La Compagnie au 06 67 50 64 01 ou par mail Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Après vérification de votre éligibilité auprès des organismes de financement de la formation :
1. Envoyer votre dossier de candidature à La Compagnie (date limite d'envoi des candidatures : vendredi 1er octobre inclus) à l'adresse mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. ou voie postale (10-12 boulevard Marcel Sembat, 93200 Saint-Denis), comprenant :
- Un C.V. avec photo
- Une lettre de motivation, à l’attention de Jean-Michel Rabeux
- Vos coordonnées complètes (adresse postale, mail, numéro(s) de téléphone, etc.)
2. Réponse définitive : lundi 11 octobre 2021
« L’ACTEUR CRÉATEUR N°22 » Au cœur de Pommerat
Stage dirigé par Cédric Orain
Du 12 avril au 23 avril puis du 30 mai 2021 au 3 juin (report cause covid) / Le LoKal (Saint-Denis)
Je suis très heureux que Cédric Orain ait accepté d'animer un de nos "Acteurs créateurs", et qui plus est en utilisant des textes de Joël Pommerat qui est un des hommes de théâtre que je préfère. L'attention que Cédric porte à la « direction d'acteur », comme on dit fort mal (qui dirige qui ?), est un de nos solides points communs. Il y en a d'autres qui tous font que j'attends avec curiosité, voire gourmandise, le résultat de ce travail.
Jean-Michel Rabeux
"J’aimerais travailler sur ces deux textes, à nu, avec les acteurs, en étant libéré de la forme, de la mise en scène, faire un travail sur l’écriture avec eux, pour eux"
Joël Pommerat écrit pour les actrices, les acteurs. Son écriture s’enracine dans leurs imaginaires et embrasse leurs singularités. On pourrait dire que les actrices et les acteurs qu’il choisit pour le spectacle qui n’est alors pour lui qu’à l’état d’un épais brouillard, sont les premiers organes vitaux de son texte à venir…
J’aimerais donc travailler sur ces deux textes, à nu, avec les acteurs, en étant libéré de la forme, de la mise en scène, faire un travail sur l’écriture avec eux, pour eux, chercher ce qui se cache derrière ses mosaïques de scènes, de situations, de tableaux faussement réalistes, tenter de refaire le chemin depuis ce texte posé maintenant sur du papier, vers une origine qui nous échappe, et pour un acteur cette origine, on peut l’appeler sa vérité, ce point de rencontre unique et secret, évident et inattendu, entre lui et le texte. Et bien sûr, ce n’est pas tant cette rencontre entre le texte et l’acteur qui m’intéresse que ce qu’il en sort, ce qu’elle fait jaillir, là, sur le plateau. Pas facile… Mais tellement précieux.
On ne s’interdira pas quelques changements dans les textes, avec mesure, avec beaucoup de respect et de parcimonie, si le travail au plateau le demande, si le jeu l’appelle, on ne s’interdira pas quelques bricolages pour retrouver un élan perdu, une petite réécriture pour sortir de la pénombre, toujours portés par le désir d’approcher le cœur du texte, et de provoquer alors, peut-être, par bonheur, son énigmatique rencontre avec les actrices, les acteurs.
Cédric Orain
En savoir plus sur Cédric Orain et sa compagnie, La Traversée
« L’ACTEUR CRÉATEUR N°21» LE VERS RACINIEN ET AUTRES LANGUES
Stage AFDAS dirigé par Jean-Michel Rabeux
Du 30 novembre au 18 décembre 2020 / LoKal (Saint-Denis)
Après un atelier mené sur ce même thème par Claude Degliame, actrice, c’est moi, metteur en scène, qui remet sur le métier cette problématique de la très paradoxale langue tragique.
Nous commencerons donc par Racine, dont la langue est elle-même un paradoxe, puisque pour nous faire partager le chaos des passions, elle use du comble de l’ordre dans la langue française : l’alexandrin.
Avec cette étrange matière, donc, et non en dépit d’elle, nous allons vivifier l’humain très réel, très concret, qu’elle contient, en mettant en jeu le « présent » de chaque acteur, son corps et âme d’ici et de maintenant, sa charge de vie, sa singularité. Il s’agit d’une implosion intense de tous les sens, mais intensément contrôlée par le respect des douze pieds, des brèves, des longues, des liaisons. C’est à ce prix du paradoxe ordre/désordre, passé/contemporain, que l’acteur parvient à arracher les vers du Temps, à les faire résonner, sonner dans les corps des spectateurs d’aujourd’hui, avec sensualité, brutalité, effet immédiat.
Travailler le jeu tragique (travailler quelque jeu que ce soit) c’est se plier à l’injonction d’une langue pour en extraire les beautés. Mais en étant le plus possible dans nos chairs, nos os, nos âmes. En partant de cet autre paradoxe, nous allons chercher comment les langues tragiques de maintenant peuvent, grâce à vous, actrices, acteurs, grâce à vos corps, à vos âmes, faire résonner leur chant. Notre boulot c’est : comment faire avec elles, comment les proférer, les dresser sur le plateau pour qu’elles pénètrent l’imaginaire des spectateurs, l’ensemencent ?
Pour Racine chacun choisira, dans toute l’œuvre, l’extrait qui lui convient. Pour les textes contemporains je propose de travailler des extraits du "Phèdra’s love" de Sarah Kane, du "Médée" de Jean René Lemoine, de "Au bord" de Claudine Galéa, et de" Hamlet machine" de Heiner Müller.
Jean-Michel Rabeux
« L’ACTEUR CRÉATEUR N°20» LE VERS RACINIEN.
Stage AFDAS dirigé par Claude Degliame
Du 2 décembre au 20 décembre 2019 / LoKal (Saint-Denis)
Tous les personnages raciniens - reprises mythologiques le plus souvent, donc pas raciniens du tout – nous intéressent parce que, pour nous faire partager le chaos de leurs passions, ils usent du comble de l’ordre dans la langue française : l’alexandrin. Le seul vers explicitement destiné à être proféré.
Nous allons partir du vers racinien, du travail pointilleux sur sa musicalité, du respect des douze pieds, des brèves et des longues, des liaisons, même de celles qui à nos oreilles dissonent pour aller ailleurs vers le tragique contemporain.
Nous allons partir du vers racinien, de cette langue qui nous est devenue étrangère, de ses secrets et essayer d’aller trouver le « très présent » de chaque acteur, sa charge de vie, intensément et intensément contrôlée, son corps et âme d’ici et de maintenant. C’est à ce prix que le vers surgit du passé, résonne, sonne dans les corps des spectateurs avec une brutalité sensuelle, délicieuse.
Travailler le vers racinien c’est travailler ça : se plier à une langue pour en extraire les beautés en étant le plus intensément possible concret.
En partant de là, alors les autres tragiques deviennent accessibles vraiment et c’est aussi la langue tragique des auteurs comme Jean-René Lemoine, Heiner Müller, Sarah Kane, Claudine Galéa ou encore Christopher Marlowe que nous aborderons.
Évidemment on affine tout cela à la rentrée, on réfléchit, on travaille encore mais il s’agira bien de partir de là pour aller ailleurs !
« L’ACTEUR CRÉATEUR N°19» JOUER PASCAL QUIGNARD.
Stage AFDAS dirigé par Jean-Michel Rabeux
Du 4 mars au 29 mars 2019 / LoKal (Saint-Denis)
Comme ceux qui suivent mon travail le savent, je demande beaucoup aux acteurs. C’est parce que je reçois beaucoup d’eux. Depuis toujours ils m’apprennent. Je ne conçois pas le théâtre sans un acteur libre de lui-même, de ses imaginaires, de ses chairs, de ses plaisirs, et de son talent pour en avoir l’usage et la maîtrise. Ce que j’appelle un acteur créateur.
L’acteur est un interprète, certes, mais Glen Gould aussi. Et qui n’entend la créativité de Glen Gould, ou celle de Maria Callas ? Qui ne voit celles de De Funès, de Maria Casarès ou d’Alain Cuny ? (Je ne choisis que des morts pour ne pas faire de jaloux.)
Utiliser comme matière théâtrale des textes qui n’ont pas été écrits pour le théâtre est une des façons de laisser particulièrement libre cours à l’acteur, et en même temps de le contraindre à une exigence redoutable : on se sert de quelque chose qui, à priori, n’a pas besoin de lui !
C’est ce paradoxe qu’il m’intéresse d’explorer une fois encore. Comment on fait pour être indispensable à une langue qui ne nous contient pas, nous, gens du plateau ? Comment exister sans l’étouffer, comment la livrer aux spectateurs dans toutes ses complexités ?
Toute l’œuvre de Pascal Quignard, quasi toute, peut se prêter à ce jeu, je le sais, j’y ai déjà joué. Parce qu’elle divague autour d’un thème cher entre tous au théâtre. Quoi ? Comment le dire ? Le crime dans l’homme ? Comme le théâtre, en effet, elle chronique la sauvagerie humaine à travers les temps, sa permanence désastreuse, son étrange beauté. Comme le théâtre, elle vit de paradoxes : elle est à la fois rude et érudite, délicate et farouche, charnelle jusqu’au mystique. Elle est douce, vraiment douce, féminine, enfantine, et d’une brutalité d’autant plus inouïe. Elle est silencieuse, mais avec tant de jouissance des mots ! Avec les mots elle fait le silence en nous, tout comme nous devons le faire dans le spectateur.
Elle a une autre et définitive qualité : elle traite, de toutes les façons, avec la beauté. Et d’abord celle de sa langue, tellement simple, tellement riche, toute prête à naître aux sons dans la gorge de l’acteur.
Tout cela peut vraiment faire du théâtre, non ? On va le tenter, en tout cas, avec gourmandise, modestie et insolence. On va s’amuser de nous-mêmes pour la servir, on va inventer des langues de plateau, celles qui naîtront des acteurs, pour faire entendre la langue d’un auteur. On va faire notre boulot, quoi.
Le travail se centrera sur "Les Paradisiaques", un des livres de Quignard. Ce qui n’interdira pas les divagations.
Jean-Michel Rabeux
« L’ACTEUR CRÉATEUR N°18» L'ACTEUR CREATEUR DE SHAKESPEARE.
Stage AFDAS dirigé par Jean-Michel Rabeux
Du 12 novembre au 7 décembre 2018 / LoKal (Saint-Denis)
"Shakespeare. Le mot suffit à donner des envies de jeu. C’est « dur à jouer », chacun qui s’y est attelé le sait bien, si l’on veut jouer vraiment, vraiment faire jouer l’humain à travers la langue, et pas seulement jouer le numéro de l’acteur. Pas seulement blablater culturellement.
C’est dur, donc c’est intéressant pour nous. Une matière à approfondissement du travail de chacun, moi compris bien évidemment.
C’est une langue qui oblige au paradoxe. L’acteur doit y être très lyrique et très concret, très intérieur et très extraverti, très châtié, voire précieux, et très brut, très énigmatique mais d’une totale évidence, très classique, mais très contemporain. Dur, dur !
C’est une langue sacrément physique. Si le corps n’est pas totalement là, Shakespeare n’est pas là du tout. Ça tombe bien, parce qu’au théâtre c’est un peu très souvent toujours comme ça. Mais avec Shakespeare le corps est absolument inévitable, sinon ça se voit beaucoup, beaucoup. Il suffit de regarder beaucoup, beaucoup de plateaux.
Quand je parle du corps, je parle du corps en entier, c’est à dire avec son âme aussi, qui rigole ou qui meurt, son imaginaire en alerte, avec les dents, avec chaque muscle, de la face au cul, pour projeter la langue et son esprit.
Comme le terrain de jeu est très vaste on le réduit à Roméo et Juliette, avec peut-être un peu dans Lear ou dans le Songe. Arbitrairement, parce que je les ai adaptés. Mais aussi à cause de thèmes communs : l’abus des pères, la résistance des filles. La liberté, la liberté. La folie, l’amour à mort, la mort de l’amour, la force de l’amour.
Il y a de quoi faire, de quoi approfondir le rapport de son corps avec ses douleurs, ses rêves. De quoi plonger. On ne trouvera pas le fond. Juste l’approcher, en tâtonnant, juste tenter la langue pour de bon, tenter d’être là en entier, imaginaire déployé. Etre incompréhensible et merveilleux comme l’est la vie même. Etre très professionnel, c’est à dire jouer sa vie."
Jean-Michel Rabeux
« L’ACTEUR CRÉATEUR N°17 » VOUS AVEZ DIT TRAGIQUE? OUI.
STAGE dirigé par Claude Degliame et Jean-Michel Rabeux
du 21 mai au 15 juin 2018
Le tragique n’est pas très à la mode, c’est à dire sur les plateaux de théâtre. Dans la vraie vie il se porte bien, merci. Le tragique – devoir résoudre sous peine de mort une contradiction insoluble – est l’origine du théâtre et il en est l’âme constante, si l’on y regarde de près. Au théâtre il est partout chez lui, plus ou moins masqué, c’est tout. Il est aussi bien chez Feydeau que chez Racine, chez Novarina que chez Mouawad, chez Eschyle que chez Copi. Aussi bien chez Régy que chez Fau. Sans parler de Marivaux. Il est quand la mort vient.
Dans cet atelier, on va se le coltiner de face. On part de Sénèque, il faut bien partir de quelque part, parce qu’il plonge les mains dans les mythes originels ET qu’il se prête plus aisément que les Grecs à de la langue et de l’interprétation contemporaines. Thyeste, Médée, Phèdre, sont les œuvres choisies. On piochera ailleurs.
Et puis on confronte ce tragique antique, très libre de langue du fait de l’adaptation indispensable, à la métrique impitoyable du vers racinien. Ce baroque millimétré. Plutôt dans Phèdre, Bérénice, et Andromaque. Mais on piochera ailleurs.
Où en est-on de tout ça ? Peut-on jouer encore ces emphases sans emphase, atteindre le réel, fût-il mystérieux, par le biais de ces mythes, ces langues ??
On verra, c’est le sujet.
On va se mettre à deux pour s’y essayer. Claude Degliame initiera les deux premières semaines du stage. Son expérience du jeu aidera mieux que moi les acteurs à aborder ce continent respiratoire, cette physiologie du verbe, cet embrasement implosif, que doit être le jeu tragique. Je la relaierai pour « mettre en scène » ces découvertes opérées, on l’espère, en chacun des participants.
Jean-Michel Rabeux
« L’ACTEUR CRÉATEUR N°16 » L'ACTEUR GENET
STAGE dirigé par Jean-Michel Rabeux
du 09 octobre au 03 novembre 2017
De tous les auteurs français contemporains Jean Genet est celui dont la langue est la plus marquée par la littérature classique. On n’est pas loin de Racine. On est dans Bossuet, ou dans Malesherbes, dans Agrippa d’Aubigné ou Ronsard. La langue est oratoire, sinon oraison. Mais pas à un Dieu, oh non ! A des dieux peut-être, et l’on sait lesquels. Elle ne les prie pas, elle les enchante. Elle ne s’y soumet pas, elle les invente de toute pièce.
C’est un paradoxe que cet auteur dont toute la vie fut un conflit violent avec la France, use de la langue française la plus châtiée. La langue des maîtres est l’arme de l’Enfant criminel. Le taulard écrit comme un poète baroque, le dur s’exprime comme une Précieuse. Et s’en revendique.
J’ai toujours très envie de travailler sur cette poétique exacerbée, de réinventer, avec des acteurs, les beautés de la langue de Genet, de son théâtre comme de sa prose, de faire entendre sa profondeur morale, esthétique, politique, ses inadmissibles amours, ses bouleversements existentiels.
Nous allons tenter des langues d’acteurs pour faire vivre cette savante poétique. Dresser dans des corps le désastre, l’inadmissible retournement des valeurs de la France de son époque, le scandale, celui des Paravents comme celui des figures de folles, de tueurs, de bourreaux, de flics, de prostitués des deux sexes, mais aussi de funambules, de peintres, de poètes, tout aussi scandaleux pour Genet que les véritables criminels. L’œuvre de Genet révèle une constance de thèmes remarquable, quelque soit la forme, poétique, prosaïque ou théâtrale, employée. Nous nous baladerons donc dans l’ensemble de l’œuvre pour en explorer les déclinaisons multiples et récurrentes.
Il s’agit d’inventer une délicatesse, du genre terrible. Un humour, du genre caustique, une beauté, quoi, du genre on en meurt. Et la pierre de touche, pour jouer tout ça, pour en jouer, c’est le corps de l’acteur. Magnifié, méprisé, excommunié, misérable, monstrueux, tremblant, modeste, divin, explosé, explosif, hilare et grelottant. L’acteur, quoi ! L’ACTEUR. C’est à dire le théâtre ! Au diable les metteurs, que parlent les acteurs! Nous allons tenter un acteur Genet. Un acteur auteur de lui-même, un acteur créateur de lui-même.
Jean-Michel Rabeux
« L’ACTEUR CRÉATEUR N°15 » Paroles poétiques, paroles parlées
STAGE dirigé par Jean-Michel Rabeux
du 3 au 28 avril 2017
Depuis toujours, en tout cas pour ce que j’en sais, la langue écrite du théâtre n’est pas exactement la même que celle du quotidien. D’Eschyle à Novarina, en passant par Shakespeare ou Racine, de Molière ou Goldoni à Copi ou Koltès, de Sénèque à Genet ou Thomas Bernard.
Depuis toujours, parallèlement, une langue du quotidien, éventuellement très écrite, mais proche de celle des spectateurs, la copiant, est censée se rapprocher de leurs préoccupations ou de leurs conditions plus concrètes, plus terre à terre, voire plus politiques. D’Aristophane à Pommerat, de Shakespeare (eh oui, il est des deux côtés, selon les scènes) à Feydeau, d’Antoine (pas Vitez, mais le renouveleur du naturalisme) à Vinaver ou au Boulevard, on écrit comme on parle. Cette langue induit une interprétation : on la parle comme on parle.
Ce qui se passe aujourd’hui c’est que cette interprétation naturaliste s’étend aux langues poétiques : on joue Racine comme on parle dans la vie, (ou plutôt on ne joue plus Racine), on en évacue le vers, ou bien Genet, ou bien Marivaux, ou bien Koltès. Surtout pas de théâtre, sauf, un petit peu de Boulevard pour son efficacité comique, ses ruptures et autre double-take. Or cette simplification du jeu donne lieu très souvent à un théâtre simplificateur, qui tue les paradoxes de l’humain, l’opacité, la profondeur, la cruauté ou la monstruosité, sans lesquels le théâtre n’est qu’une distraction culturelle.
C’est vite dit. Désolé, j’ai peu de place.
Le propos du stage est de travailler sur ces deux langues théâtrales, avec en tête deux buts précis :
1. Comment ne pas faire un théâtre simpliste, et de pensée et de cœur et de corps, avec les langues simples qui copient le réel, comment faire une langue avec des « non-langues », comment jouer un « non-jeu » qui soit autre chose qu’une non-pensée ?
2. Comment ne pas faire un théâtre noble, désincarné et emphatique avec les langues poétiques, apparemment étrangères au réel, comment y introduire le réel de l’âme, autrement dit l’humain?
Ça peut se dire autrement : comment mettre de la singularité, de la monstruosité, de la cruauté, de la passion, du tragique, de l’archaïsme furieux de l’acteur, en respectant les codes de la langue naturaliste, et non pas y dissimuler une médiocrité et d’interprétation et de pensée. Et par ailleurs comment ne pas exacerber l’enflure, la redondance, le cliché lyrique, qui masquent le même vide humain, dans l’interprétation du langage poétique.
Comment faire que l’acteur soit une forge brûlante même dans Feydeau et un corps très concret, très social, même dans Claudel, qu’il ne soit pas un pantin à mots, même dans Marivaux, et qu’il soit monstrueux et insaisissable, même au Boulevard.
A partir des auteurs précités, et d’autres, nous construirons une forme, montrable mais non montrée, pour tenter d’éclaircir, de l’intérieur du jeu, comment des langues opposées peuvent convoquer éros et thanatos pareillement sur le plateau.
Dur, dur. Ce sera le job."
Jean-Michel Rabeux
« L’ACTEUR CRÉATEUR N°14 » Dans la langue de Valère Novarina
STAGE dirigé par Jean-Michel Rabeux
du 3 au 21 octobre 2016
La langue de Valère Novarina m’a toujours parue l’une des plus riches de la littérature théâtrale contemporaine. Elle n’emprunte aucune des voies connues du théâtre, elle fait fi des réalismes, des personnages, des dialogues, même des situations, mais elle est évidemment et mystérieusement l’une des plus parlables.
Elle jongle. Comme chez le jongleur son apparente facilité est une science exacte, une érudition. Secrète, voire initiatique, elle donne pourtant l’envie de la profération.
Elle est hors du sens, ou plutôt elle fait sens d’elle même, de ses phonèmes, ses grammaires.
Elle ne s’entend, au sens de se comprend, que si on accepte de perdre pied dans le cours de sa fureur. Son apparente déraison dit beaucoup de pensée sur les hommes, leurs corps, leurs rêves, leurs âmes, leurs dieux, leurs labeurs, leurs jouissances, éructations, douleurs, folies, naissances et morts.
C’est une langue du corps entier. Elle ne peut sortir de la bouche des acteurs qu’avec leurs corps entiers. Tous les acteurs qui la maîtrisent y jettent leurs corps entiers.
Outre qu’elle est corps elle même, le corps est son sujet, sans cesse. Elle en explore les fonctions, les physiologies, les origines rouges, et ce n’est que chargée de chairs qu’elle parvient à ses objectifs poétiques.
Cette langue est une mystique, c’est à dire une aspiration. Comme toutes les mystiques le corps la traverse. De la mystique elle a la transe, la fureur, comme elle, elle est agitée par le corps.
Bref, elle me plait. Et je crois que les acteurs qui s ‘y confrontent se confrontent au plus intense, au plus complexe d’eux-mêmes. Je crois qu’elle rend l’acteur virtuose de l’instrument qu’il est.
Nous allons donc tenter, dans ce lieu magique qu’est l’atelier, de nous ouvrir à elle, nous offrir à elle, sous toutes les formes qu’elle voudra pour nous prendre, sous toutes les formes qu’elle voudra prendre. Pour ce faire nous nous promènerons librement dans l’ensemble de l’œuvre.
Bref, on va bien s’amuser."
« L’ACTEUR CRÉATEUR N°13 » Les Fureurs des Atrides : en rire et en pleurer
STAGE dirigé par Jean-Michel Rabeux
du 4 au 29 janvier 2016
A partir de deux de mes textes, "Les Fureurs d’Ostrowsky", co-écrit avec Gilles Ostrowsky, et "Le Sang des Atrides", co-écrit avec Eschyle, et qui sont respectivement une adaptation « grotesque » et une autre « tragique » de « L’Orestie », nous travaillerons à la fois sur le rire et le terrible.
Ca me plaît beaucoup de tenter d’amener des acteurs, et qu’ils m’amènent, au seul rire de théâtre qui m’intéresse, celui qui peut étrangement jaillir de ces scènes sanglantes que le théâtre manipule depuis toujours, et, inversement, de chercher avec eux, comment, de nos jours, interpréter « tragiquement » des situations tragiques, alors que le tragique quitte nos plateaux pour envahir les écrans d’information.
On dit d’un acteur qu’il est un « comique » ou un « tragique », bon, peut-être a-t-on raison. Mais si nous tentions, l’espace d’un stage tout au moins, qu’il soit les deux. C’est le propos : faire mentir les cases où l’on cantonne l’acteur, où lui-même parfois se cantonne, explorer des zones inconnues en chacun.
Jean-Michel Rabeux
« L’ACTEUR CRÉATEUR N°12 » Avec Peter Handke
Stage AFDAS dirigé par Claude Degliame
du 19 octobre au 6 novembre 2015
"J'aime Peter Handke, c'est lui qui m'a fait entrer dans l'amour que je porte aux textes contemporains, c'est lui qui les a hissés pour moi au niveau des grands textes poétiques du répertoire.
J'ai participé à la création en France de deux de ses pièces: "Les gens déraisonnables sont en voie de disparition" et "Par les villages", dans les mises en scène de Claude Régy. J'y ai rencontré une langue qui a profondément marqué mon rapport au théâtre. Une langue qui ne se contente pas de soit disant copier le réel pour le mettre sur le plateau, une langue qui existe en tant que langue, et dont la matière textuelle fait la chair théâtrale.
Une langue des mythologies aussi, une langue avec des dieux. "Dieu n'existe pas, Zeus oui!" dixit Maria Casarès. Une langue où Zeus existe, c'est à dire les Enfers aussi. Le monde n'y est pas tout plat, il a des abîmes et des sublimes. Mais en même temps le monde est là, très concrètement, très effectivement. Une langue de rêves dans le sens où les rêves sont de l'impossible fabriqué avec notre quotidien.
Cette langue nécessite de la part de l'acteur un travail quasi lyrique, mais d'un lyrisme qui avance avec le présent, le charnel, le trivial. Avec le métro, la guerre, les champs labourés, les cabanes d'ouvriers et les PDG. C'est l'apparent paradoxe, du poétique et du réel qui est passionnant à travailler pour l'acteur, d'autant plus qu'il traverse bon nombre de textes de théâtre, Ô Shakespeare, et il y a tant de manières de le traduire sur le plateau!
C'est donc ces manières et cette langue que nous allons travailler en nous promenant librement dans l'œuvre de Peter Handke. J'attire l'attention des futurs participants sur les deux pièces que je viens de citer, ainsi que sur "Le voyage en pirogue ou la pièce du film de la guerre", "Souterrain blues" et "Toujours la tempête". Mais, bien évidemment, chaque acteur sera libre de travailler sur ce qu'il lui plait dans l'œuvre, y compris l'œuvre en prose."
Claude Degliame
« L’ACTEUR CRÉATEUR N°11 » Dans l'oeuvre de Copi
STAGE dirigé par Jean-Michel Rabeux
du 3 au 28 novembre 2014
Copi, c'est du métissage de tout. Quand on le travaille, on voit bien que c'est un mix de folie détonante et de rigueur métronomique, de vaudevillesque et de surréaliste, de farcesque et de tragique.
Copi cherche le rire, mais avec fureur. C'est du Feydeau, mais outrageusement. Voilà, c'est un théâtre de l'outrage, outrage aux bonnes mœurs, outrage au genre, comme on dit maintenant, et cet outrage, ces injures aux ordres divers qui nous font et nous brisent, se distillent dans une syncope aussi impitoyable que joyeuse. C'est un shoot sur comédie musicale.
Pour l'acteur, il faut être et totalement fou et totalement rigoureux, totalement "dedans" et totalement maître de soi, totalement "juste" et totalement "faux". Il faut se débrider et se brider. Être un corps et son extinction.
C'est une corde raide et très vibrante de jouer Copi. Le parcours est difficile, jubilatoire, et à mon avis très formateur.
On parcourra donc sa langue, ses langues, on cherchera à la débusquer, on se baladera dans toute l'œuvre, y compris l'œuvre en prose.
Un dernier mot. On demande un jour à Copi pourquoi son œuvre est remplie de travs, junkies, tueurs, et autres joyeusetés. Sa réponse, avec accent et une douce lassitude: "Il y a tellement dè gens norrrrmaux".
Jean-Michel Rabeux
« L’ACTEUR CRÉATEUR N°10 » Du répertoire au contemporain
STAGE dirigé par Claude Degliame
du 4 au 25 octobre 2014